Faux témoignages et fausses attestations dans les histoires familiales

Par JafLand le samedi 17 mars 2012, 14:17 - Délits, Plaintes - Lien permanent

 

Un grand classique des affaires familiales: vous découvrez au travers d'attestations d'amis de votre ex, que vous êtes un violent, pervers, sadique, voire pire. Tout est fabriqué et faux, mais quand on découvre que des personnes se sont livrées à ce type de témoignages, il faut savoir réagir.

 

 

I) Que faire contre les faux témoignages :

Il faut déposer une plainte pénale contre la personne qui a fait ce faux témoignage. Le délai pour agir contre un "faux témoignage" (en langage juridique correct: établissement de fausse attestation) est de 3 ans, puisque ce sont des délits pénaux.

 

1/ Le fondement légal des poursuites pour faux témoignage:

une fausse attestation peut être réprimée pénalement, si on prouve que c'est un faux, par l'art. 441-7 du Nouveau Code Pénal.

Si le faux témoin a témoigné dans l'exercice de sa profession, les peines sont aggravées.

Cependant attention, la preuve est difficile à apporter bien souvent car la procédure risque de mener au problème suivant: parole du témoin contre votre propre parole... Et là les chances de gagner sont faibles. Donc essayez toujours d'avoir des éléments "extérieurs" en plus (par exemple: le témoin ne peut prétendre avoir vu tel fait à Rennes car le même jour il était à Paris ... )

Un élément cependant à ne jamais oublier: les témoins sont censés rapporter des faits dont ils ont eu personnellement connaissance. C'est marqué sur les formulaires d'attestation.

Petit aperçu général des peines pour faux , dans le Code pénal:

Article 441-1 Code Pénal

"Constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d'expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques.

Le faux et l'usage de faux sont punis de trois ans d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende."

Article 441-4 Code Pénal

"Le faux commis dans une écriture publique ou authentique ou dans un enregistrement ordonné par l'autorité publique est puni de dix ans d'emprisonnement et de 150000 euros d'amende.

Article 441-7 Code Pénal

"Indépendamment des cas prévus au présent chapitre, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende le fait :

1º D'établir une attestation ou un certificat faisant état de faits matériellement inexacts ;

2º De falsifier une attestation ou un certificat originairement sincère ;

3º De faire usage d'une attestation ou d'un certificat inexact ou falsifié.

Les peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et à 45000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en vue de porter préjudice au Trésor public ou au patrimoine d'autrui."

Article 441-8 Code Pénal

"Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30000 euros d'amende le fait, par une personne agissant dans l'exercice de sa profession, de solliciter ou d'agréer, directement ou indirectement, des offres, promesses, dons, présents ou avantages quelconques pour établir une attestation ou un certificat faisant état de faits matériellement inexacts.

 

2/ La procédure pour porter plainte contre un faux témoignage:

Le moins couteux sera la plainte adressée par LRAR au Procureur de la République.

Si la plainte "simple" est classée sans suite, vous pourrez déposer alors une plainte avec constitution de partie civile. En théorie, on peut aussi faire un recours auprès du procureur général contre la décision de classement sans suite (voir http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/F781.xhtml ).

L'intérêt de faire une plainte avec constitution de partie civile, c'est que ce type de plainte ne peut PAS être classé sans suite. Il y aura forcément instruction de la plainte.

Mais depuis juillet 2007, on est obligé de faire d'abord une plainte "simple", sans constitution de partie civile, d'attendre de voir si elle est instruite ou non, et si elle est classée sans suite, ou au bout d'un délai de 3 mois , on peut redéposer la même plainte avec constitution de partie civile (et là ils sont obligés d'instruire mais peuvent demander une somme d'argent en consignation).

voir http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/F1439.xhtml la fiche est bien faite.

On peut aussi utiliser la citation directe (voir : http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/F1455.xhtml ) , c'est efficace lorsque le dossier est "simple" (pas d'enquête nécessaire) mais il y a les frais d'huissier et d'avocat non obligatoire mais recommandé pour pas se planter dans le formalisme assez rigoureux.

 

II) La Jurisprudence sur les faux témoignages et les fausses attestations.

 

Comme dit plus haut, cette infraction est prévue à l'article 441-7 du code pénal. Elle consiste en l'établissement ou en l'usage d'une attestation faisant état de faits matériellement inexacts. L'inexactitude des faits attestés est souvent le point essentiel de discussion devant le magistrat.

Jurisprudence 1: arrêt du 7 avril 1992: attestation qui fait mention de la grille de salaire sur la base de laquelle l'époux était rémunéré n'est pas fausse attestation même si elle ne précisait pas toutes les sommes que l'époux avait reçues de son employeur .

 

Jurisprudence 2: Cass. crim. 19 févr. 1997 : il ne suffit pas d'établir que l'auteur de l'attestation n'a pas personnellement constaté les faits attestés (art 202 NCPC) , il faut prouver leur inexactitude. En sus de l'inexactitude des faits attestés, l'établissement et l'usage de fausse attestation exigent que leur auteur soit de mauvaise foi.

 

Jurisprudence 3: Cass. crim. 6 juill. 1993, cassation de l'arrêt d'une cour d'appel qui avait relaxé un époux du chef d'usage de fausse

attestation au motif que l'auteur de l'attestation avait été relaxé du chef d'établissement de fausse attestation et n'avait été condamné qu'à des réparations civiles. Selon la Cour de cassation, « la condamnation de l'auteur de l'attestation, fût-ce seulement à des dommages-intérêts en l'absence d'appel du ministère public, établissait la fausseté des faits certifiés » .

 

Jurisprudence 4: Cass. crim. 24 mai 1993, l'inexactitude des faits peut être également établie par l'auteur de l'attestation qui avait reconnu qu'il n'avait pas constaté les faits allégués et avait seulement cédé aux pressions de la prévenue qui lui avait même dicté une partie du texte mensonger .

Jurisprudence 5: Cass. crim. 20 juin 1995 : poursuites sur le fondement de l'article 441-1 qui sanctionne le faux et l'usage, lorsque l'un des époux produit un document dont la réalité est contestée par l'autre.

 

Jurisprudence 6: escroquerie au jugement (art. 313-1) invoquée au sens de manoeuvres frauduleuses pour tromper le juge. Un époux,

sans présenter de faux, avait produit des pièces donnant une image inexacte de sa situation réelle (ex. : feuilles de salaires qui ne mentionnent pas des indemnités de déplacement reçues par ailleurs)

 

Jurisprudence 7: Cass. crim4 nov. 1998 : Sans mensonge, le défaut de loyauté dans la recherche de la preuve peut être sanctionné. Ex: délit de suppression de correspondance ( art. 226-15) contre une épouse qui se faisait réexpédier pendant le divorce le courrier de son conjoint, et dans lequel elle avait puisé des infos utiles pour la procédure qui les opposait

 

Jurisprudence 8: 23 janvier 1996 (Bull. crim., no 37) le secret professionnel ne s'impose que dans les relations entre le professionnel (médecin psychiatre) et son client. Infraction NON constituée par le certificat du médecin psychiatre de l'épouse exposant que cette dernière avait été soignée pour un état dépressif consécutif à la personnalité pathologique du mari. La mari n'étant pas le client du médecin. Par contre, poursuites déontologiques possibles: ce type de certificat est cité comme exemple d'attestation de complaisance par l'Ordre des médecins.

 

Une condamnation à 4 mois de prison confirmée par la Cour de cassation pour usage d'une fausse attestation de violence.